L’avenir du sexe, c’est les autres

Rappelez-vous, ce n’est pas si loin. Il y a quelques années, disons une vingtaine, quand on parlait de l’avenir du sexe, on se voyait, post-Matrix oblige, connectés à une intelligence capable de satisfaire chacune de nos envies: plus besoin d’humain, oubliée la notion même de frustration.

Deux décennies plus tard, les offres de sex toys se sont multipliées, les sites de rencontre ont affiné nos targets, les niches sexuelles ont pignon sur réseaux. Quant à nos vies, elles s’envisagent difficilement off line, et l’on voit toutes sortes de services se dématérialiser. Mais de masse savante répondant à chacun de nos désirs, point.

Matrix (1999), de Lana et Andy Wachowski.

C’est sur ce constat que s’est ouverte à Paris la conférence organisée en septembre par Le Monde, intitulée “Le futur du sexe à l’heure des robots”. Sur le plateau, quatre spécialistes (Agnès Giard, Catherine Dufour, Maïa Mazaurette et Yann Minh), connus pour leurs travaux intellectuels et/ou expérimentaux sur les thématiques du sexe et la place du corps. Beaucoup de sujets abordés – parfois plus proches des nouvelles technologies (NT) que du sexe – des points de vue, et pour envisager notre libido de demain, des histoires éclairantes.

Comme celle-ci.

Nous sommes au début des années 2000. Au Japon, les amateurs de sexe vivent une époque formidable. Les bordels de love dolls se multiplient. Entendez: des maisons de plaisir où “les services sont rendus” par des poupées high tech. Les filles en silicone promettent de répondre à toutes les envies.

C’est le nirvana de la prostitution – selon les clients et les sex businessmen: la main-d’oeuvre ne coûte rien et on fait la queue (ok, je sors) pour consommer “le sexe du futur”. Même les plus pervers ont le droit à leur dose de sexe.  Dans un pays où “un tiers de la population se ferait jamais l’amour”, selon We demain, ça ne peut être que bon pour les affaires.

Les love dolls sont des objets de luxe, peu appropriés au turn over des bordels. Photo: WilliamK pour Neon.

 

Mais la bulle des poupées bonnes à tout faire est de courte durée. Objets de luxe, les dames de caoutchouc demandent soins et attentions – qui semble le dernier souci des types venus tirer un coup. Autre effet post-sex dolls: les “consommateurs” n’y reviennent pas. La dame a beau être 100% docile, l’expérience a vécu. Au sexe du futur, ils préféreront la tradition: une femme avec des yeux qui bougent, des réactions à elle – une humaine.

De cet épisode japonais que mentionne Agnès Giard lors de la conférence sus-citée ainsi que dans un article pour Le Temps, il ressort une information fondamentale. Nos rapports sexuels ne vont pas changer, au prétexte que nous sommes de plus en plus connectés. Ils resteront essentiellement les mêmes, parce qu’ils combinent physique ET psychologique ET relation à l’autre. Sans même parler de notre part cachée, parfois inconnue de nous-mêmes, mais potentiellement présente dans nos fantasmes et nos désirs.

Miss Daxia sur Second Life, DR. 

Reste que les NT peuvent jouer un rôle intéressant dans nos envies, et dans la conscience que nous en avons. Un peu comme quand votre meilleure copine Pimprenelle s’est retrouvée “par hasard” avec un fouet dans la main. Jamais, elle ne se serait envisagée en maîtresse, mais l’objet l’a mise en situation. Titillée par son trouble, elle a essayé, recommencé, elle a bientôt multiplié les rencontres SM, peaufiné son rôle.

Le fouet a été un vecteur d’épanouissement pour Pimprenelle. Sa sexualité est passée du point “plutôt pas mal”  à “totalement épanouie”, révélant une part d’elle-même restée jusqu’alors dans l’ombre. Elle a affiné son désir, son plaisir, et maintenant, c’est la fête.

Les nouvelles technologies peuvent jouer un rôle identique de déclencheur, voire de vecteur. Si comme Yann Minh, vous êtes connectés et fier de l’être, vous aurez peut-être envie de rejoindre Second Life. Vous pourrez y faire l’amour virtuellement, et même tester le gender bending et faire “plier le genre” en choisissant pour avatar une femme si vous êtes un homme, ou le contraire. Poussant l’expérience, vous découvrirez comment connecter un sex toy, voire plusieurs, afin de vivre vos cyber-relations sexuelles via votre avatar.

Fouet, ou plug connecté, dans tous les cas, l’essence du rapport sexuel reste la même: un mélange de sensations physiques, de fantasmes, de désirs, et de projections liées à l’autre, que vous soyez en contact direct ou non. Un partage nécessaire entre (au moins) deux humains. “Les nouvelles technologies, sous-titre Yann Minh, vont nous apporter des amplificateurs sexuels.” Sûrement pas remplacer la relation à l’autre.

Nous voila rassurés.

Photo de bandeau: Ryan Gosling dans Une fiancée pas comme les autres (Lars and the Real Girl, 2007) de Craig Gillepsie, DR.

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