Judith Bernstein, les ovaires de la colère

Judith Bernstein connaît depuis 2008 “ses meilleures années”. Cette artiste féministe américaine, née en 1942, a pourtant traversé un désert de vingt-cinq ans suite à une affaire de censure. Retour sur l’histoire d’une femme énervée, concernée – et douée.

Dicks of Death, Quattro Cunts, Cunt Faces… Les titres de ses œuvres disent clairement ses objets de représentation. On y voit des sexes d’hommes et de femmes en noir et blanc ou couleur, souvent dans un esprit graffiti. Une constante cependant dans l’oeuvre de l’artiste: la violence, en grand format.

“Fucked by Numbers” (2013), de Judith Bernstein.

Les raisons de la colère, il faut d’abord aller les chercher au sein de la famille de Judith. Nous sommes dans les années soixante, dans une petite ville du New Jersey. Papa et maman ne s’entendent pas, et le quotidien se décline en cris et en disputes conjugales. Judith n’a qu’une idée en tête: s’échapper du berceau familial et du modèle bourgeois qui veut qu’une fille n’a pas besoin de faire des études puisqu’elle va se marier. Judith ne se mariera pas. Elle décrochera un diplôme de premier cycle à l’université de Penn State et intégrera Yale en section artistique – qui, à l’époque, n’accepte les femmes que si elles sont déjà diplômées d’une autre université.

“Dicks of Death” (2016), de Judith Bernstein.

Son diplôme en poche, elle ne parvient pas, comme beaucoup de femmes, à intégrer le système. Parmi ses tentatives pour intégrer un emploi, elle se voit recalée à un poste de prof dans un établissement d’enseignement supérieur pour jeunes femmes: on pourrait l’embaucher mais en tant que modèle nu; elle est également prévenue que les femmes, dans cet établissement, gagnent, à poste égal, en moyenne 1000 dollars de moins que les hommes.

Judith Bernstein intègre alors Twat, un collectif d’artistes femmes qui bénéficie d’une presse conséquente. Tout semble possible. Elle produit, expose. Mais la censure est là qui rôde, et son “Horizontal” (ci-dessous) est refoulé en 1973 du Centre civique de Philadelphie par une mairie alors très conservatrice.

“Horizontal” (1973), de Judith Bernstein.

 

Judith Bernstein ne montrera plus son travail pendant vingt-cinq ans. Et ce n’est qu’en 2008 qu’elle reviendra en galerie grâce à Mitchell Algus à New York. Celle qui signe en grosses lettres “pour que tout le monde sache que l’artiste est une femme”, peut désormais faire entendre sa colère contre une société en progrès mais toujours inégalitaire (en France, rappelons qu’à poste égal, les hommes gagnent 9% de plus que les femmes): il y a des mains pour l’applaudir et des réseaux pour la relayer.

Ces contenus explicites sont à destination des adultes

Pour accéder à ctrlX, je certifie avoir plus de 18 ans.